Neuromania, neuromythes ? qu’est-ce qu’on nous cache ?
Alors que tout le monde a le mot « neurosciences » en bouche, on voit fleurir pléthore d’informations sur la meilleure façon de « booster » notre cerveau, neuromania ? neuromythes ?
Allant de recettes miracles pour prévenir Alzheimer chez les personnes âgées, à des jouets permettant aux bébés de 2 mois de « maximiser » leurs capacités cognitives, les médias nous martèlent que toute la société est concernée. Mais qu’en est-il véritablement dans la vie de tous les jours ?
Une théorie qui en chasse une autre
Dans la vraie vie, il y a des laboratoires et des chercheurs qui échafaudent des théories. Elles seront à leur tour validées ou invalidées par d’autres recherches et d’autres laboratoires. La vie d’une théorie est ainsi faite.
En pédagogie, par exemple, Piaget a longtemps été considéré comme la référence absolue. Il avait, en effet, développé une pensée de l’éducation qui revient à voir l’apprentissage comme des étapes qui s’enchaînent les unes derrière les autres. Un peu comme les marches d’un escalier, l’enfant apprend en construisant et en consolidant la première, puis la deuxième marche. Et ainsi de suite, marche après marche, le petit d’homme devient adolescent puis adulte par une suite logique et cohérente d’événements qui s’enchaînent les uns aux autres.
Influences du milieu social et des émotions sur le cerveau
Mais Piaget avait omis l’influence du milieu social ainsi que l’incidence des émotions sur les processus d’apprentissage. Aujourd’hui les neuroscientifiques sont d’accord pour dire que le cerveau de l’être humain à la naissance est généraliste. Grandir serait donc se spécialiser (notamment en perdant 50% des connexions neuronales au cours des 2 premières années de la vie). Le nombre de connexions synaptiques est donc corrélé à l’environnement extérieur ainsi qu’aux émotions vécues.
L’incroyable facilité avec laquelle le cerveau humain apprend des langues étrangères en témoigne : avant 18 mois, le bébé peut tout apprendre, pourvu qu’autour de lui, on parle différentes langues et qu’on s’adresse à lui !
Neuromyhtes
Les fausses croyances sur le cerveau se développent parallèlement aux neurosciences qui, par un effet de mode, intéressent de plus en plus de monde. Et comme il a été prouvé (preuve scientifique à l’appui) que le cerveau retient merveilleusement bien les fausses informations pourvu qu’elles ne soient pas tout de suite contredites et remplacées par une information fiable, on va prendre soin ici de dégommer, tout de suite, les malentendus.
Le cerveau des hommes et des femmes est différent
Oui ! D’un point de vue biologique, si l’homme est généralement plus grand et plus lourd que la femme, son cerveau le sera aussi. Mais cela ne veut pas dire que la différence entre le cerveau de 2 personnes de sexe opposé implique une différence fonctionnelle et encore moins qualitative. L’homme n’est pas, a priori, plus intelligent que la femme, comme n’importe quel cerveau humain n’est pas, a priori, supérieure à un autre. Tous humains, tous différents, en somme !
Comment on utilise son cerveau
On entend parfois dire que l’homme n’utilise qu’une partie des capacités de son cerveau. Cela donne naissance à de beaux sujets cinématographiques, par exemple avec Lucy de Besson sorti en 2014. Mais en terme de mythe, on est effectivement bien dans de la pure fiction. En réalité les neurosciences aujourd’hui sont en capacité de dire que nous utilisons 100% de nos capacités cérébrales. A la différence qu’un comédien, par exemple, aura sensiblement plus développé ses capacités de mémorisation que Monsieur Tout-le-monde du simple fait qu’il les aura plus sollicitées.
Aujourd’hui on revient sur l’idée que le cerveau possède des aires « dédiées », comme l’aire de Brocca, historiquement repérée comme étant la zone où siègent les capacités de langage. Le Professeur Hugues Duffau, dans son livre L’erreur de Broca, paru en 2016, raconte justement comment des patients à qui on retire une partie de leur cerveau peuvent réapprendre. Le cerveau trouve « d’autres chemins » et l’information initialement repérée dans telle ou telle partie du cerveau est prise en charge d’une nouvelle manière.
Ce qui se joue avant 6 ans
Chez les plus petits, on a longtemps pensé que les premières années de vie étaient prédictives de la façon dont l’intelligence allait se développer. Il est vrai que les premières années de la vie sont le moment où le cerveau reçoit pour la première fois l’information. Ainsi on observe une merveilleuse capacité de mémorisation chez les plus jeunes. Il n’y a qu’à penser à toute la complexité d’une langue et de sa grammaire, absorbée par l’enfant en un clin d’œil !
Le cerveau très généraliste de l’enfant rend les apprentissages plus faciles qu’à l’âge adulte. Car si l’adulte est souvent plus rapide, plus performant, plus sûr dans ses raisonnements, c’est que son cerveau s’est spécialisé et que les apprentissages ont été depuis longtemps automatisés.
Chez l’enfant, tout est à apprendre et tout est possible.
Neuromania
Le cerveau fascine et c’est encore plus déroutant de penser que « tout est possible » ! En vérité, on a tous beaucoup entendu à l’école des phrases du type : « untel est un bon à rien, il n’y arrivera pas ! », « moi, je n’ai pas la bosse des maths, je suis nul ! ».
Aujourd’hui, les neurosciences prennent le contre-pied de ces affirmations. Cela invite à changer de regard sur l’école, l’enfant et l’apprentissage à tous les âges. « Quoi ? Moi qui aie toujours été une quiche en maths, je pourrai tout débloquer en un clin d’œil grâce aux bons outils » ? De là à penser que le cerveau est une boite magique, il n’y a qu’un pas.
Même si les neurosciences dessinent des lendemains nouveaux, gare donc aux vendeurs de rêve qui promettent des progrès fulgurants de nos capacités cognitives en seulement 21 jours ! Changeons de paradigme, oui, mais en toute conscience !