Accueillir son enfant
Adultes, nous en faisons l’expérience souvent, être critiqués, jugés, blessés ne résout en rien les situations difficiles que nous traversons. Bien au contraire, si nous sommes découragés par une situation complexe ou simplement affectés par la remarque d’un collègue ou d’un proche, nous attendons de notre entourage sollicitude et écoute. C’est ainsi que l’on peut soigner nos petits bobos et nos grandes blessures : être reconnus et entendus dans ce que nous traversons.
Il en va de même pour nos enfants. L’enfance est une période de la vie où les émotions sont intenses et les sentiments éprouvés autant d’occasions d’apprendre et de grandir ! Pourtant, il n’est pas rare de négliger les émotions de nos enfants. Certes, il est surprenant parfois de voir la fureur dans laquelle un petit garçon de trois ans peut se mettre quand il n’arrive pas à mettre ses chaussures !
On a naturellement tendance à minimiser les choses : « pourquoi se mettre dans un tel état, ce ne sont que des chaussures ! » ou autrement à réagir par rapport à l’inconfort que cela créé pour nous : « tu pourrais arrêter de geindre ? C’est épuisant à la fin de toujours t’entendre te plaindre ! »
RECONNAITRE AVEC SINCERITE LA DIFFICULTE
Face à une souffrance d’enfant, il est utile de reconnaître sincèrement que ce qu’il traverse est difficile. C’est une clé très efficace pour que l’enfant ne se braque pas. On a tendance, en effet à réagir de deux façons :
- Critiquer ou juger (« évidemment tu as cassé ton nouveau jeu, tu es tellement maladroit ! »)
- Donner des directives ou sous-entendre qu’on sait mieux que l’enfant ce qu’il aurait fallu faire (« Tu devrais ranger tes affaires, ainsi tu n’égarerais pas ton portefeuille et tu pourrais aller au cinéma comme prévu avec tes copains »)
En réagissant ainsi aux difficultés que traverse l’enfant, on ne résiste pas à notre besoin de « moraliser » l’enfant et de lui montrer qu’il ne fait pas comme il faut. Or, la situation qu’il traverse le met déjà face à ses limites. Il est non seulement en difficulté mais il se retrouve blessé par nos remarques.
REAGIR AUX EMOTIONS ET NON PAS AU COMPORTEMENT
Dans son ouvrage Entre parent et enfant, Dr Haim G Ginott écrit que « lorsqu’un enfant raconte un évènement, il est parfois plus efficace de réagir non pas à l’événement comme tel mais aux émotions qui en découlent. »
Pour accompagner au mieux notre enfant qui traverse un moment difficile, se concentrer sur les émotions plutôt que sur le comportement permet de ne pas verser dans des reproches qui mèneraient à l’affrontement et qui n’aideraient pas l’enfant à grandir.
Plus encore, se concentrer sur les émotions ressentis et parvenir à les reformuler sans jugement soulage l’enfant, le libère et lui permet soit de résoudre son problème soit de le mettre suffisamment à distance, soit de le verbaliser.
« – Je suis nul en dessin.
– Tu te sens fâché parce que tu trouves que ton dessin est raté. »
Voici un échange qui peut éventuellement permettre à l’enfant d’expliquer ce qui se cache derrière (sentiment de jalousie vis-à-vis d’un aîné qui fait tout mieux, sentiment de danger face à des tâches scolaires difficiles, etc…) beaucoup plus surement qu’une remarque qui nierait l’émotion de l’enfant :
« – Mais non, tu n’es pas nul.
– Mais si je suis nul en tout. »
LE DROIT AUX EMOTIONS
Notre éducation nous pousse souvent à taire les émotions qui nous traversent. Or si l’on s’interroge un peu sincèrement, nous savons au fond de nous qu’il s’agit de stratégies d’évitement plus ou moins efficaces. Reconnaître les émotions négatives qui traversent notre enfant, c’est lui reconnaître le droit à se mettre en colère, à éprouver de la peur, à sentir la jalousie ou le découragement. Ce n’est pas toujours ce que nous rêvons pour notre enfant et pourtant c’est bien là, alors autant faire avec !
Combien de fois peut-on entendre « mais non, tu n’as pas mal ! » ou « mais non, il ne fait pas froid » ou encore « ne pleure pas, tu es grand !» ou « ne pleure pas ! Les garçons ne pleurent pas ! » Autant de phrases anodines qui nous ont été adressées dans notre enfance et qui ont résonné avec le son reconnaissable de l’injustice ! Les enfants ont le droit d’éprouver des émotions gênantes ou qui dérangent. Et cela peut les aider à grandir de savoir que papa ou maman a ressenti la même chose au même âge. « Moi aussi, quand j’étais petite, j’avais peur des chiens ! Encore aujourd’hui, je ne suis pas toujours rassurée… » allume parfois dans les yeux de l’enfant une flamme de gratitude et de soulagement qu’aucun discours ne remplace !